La DCAF (discectomie cervicale antérieure avec fusion, ACDF en anglais) est une chirurgie qui décomprime les nerfs ou la moelle et stabilise un ou plusieurs étages du cou. Ce n’est pas le premier choix : on commence par un traitement conservateur. Chez les bons candidats, elle réduit la douleur cou/bras et améliore la fonction. Cet article explique quand l’envisager, comment elle se déroule, les bénéfices attendus et ses risques/limites, avec des délais de récupération réalistes et les signes d’alerte.
Qu’est-ce que la DCAF et pour qui ?
La DCAF consiste à retirer le disque cervical hernié ou dégénératif qui comprime la moelle ou une racine, puis à fusionner les vertèbres voisines pour stabiliser le segment. On la propose en cas de douleur radiculaire avec fourmillements ou perte de force qui ne s’améliore pas malgré les mesures conservatrices, ou en cas de myélopathie (atteinte médullaire) nécessitant une décompression plus rapide. L’indication repose sur l’adéquation entre symptômes, examen neurologique et imagerie.
Symptômes et indications typiques
- Douleur cervicale irradiant au bras (radiculopathie), avec paresthésies ou faiblesse progressive.
- Signes de compression médullaire (myélopathie) : maladresse des mains, marche instable, engourdissement diffus, hyperréflexie.
- Échec d’un traitement conservateur bien conduit pendant plusieurs semaines/mois.
- Compression marquée à l’IRM avec corrélation clinique.
À savoir : chez certains patients, on privilégie la préservation du mouvement avec une prothèse discale cervicale (arthroplastie). L’arthroplastie est une alternative si l’on n’observe pas d’instabilité ni d’arthropathie facettaire avancée. En Ehlers-Danlos/hyperlaxité, la fusion peut être préférable ; décision au cas par cas.
Bien poser le diagnostic (éviter les mauvaises surprises)
- Anamnèse et examen neurologique : force, réflexes, sensibilité, tests de tension radiculaire.
- IRM : précise le(s) niveau(x) et le degré de compression. Dans les cas complexes, des radiographies dynamiques recherchent une instabilité.
- Corrélation clinico-radiologique : la décision ne repose pas uniquement sur l’IRM ; il faut que les images concordent avec les symptômes.
Options thérapeutiques (avant—et parfois en complément—de la chirurgie)
Sans chirurgie
- Éducation et activité graduée (éviter le repos prolongé).
- Kinésithérapie (contrôle moteur cervical, renforcement scapulaire, ergonomie).
- Médicaments (antalgiques ; co-antalgiques pour douleur neuropathique si besoin).
- Infiltrations ciblées dans des cas sélectionnés pour les poussées radiculaires.
Chirurgie (selon le profil)
- DCAF/ACDF : décompression + fusion. Indiquée s’il existe une instabilité ou une dégénérescence défavorable à une prothèse.
- Remplacement discal (arthroplastie) : option préservant la mobilité chez des patients sélectionnés.
- Décompression postérieure (laminoplastie/laminectomie) en cas d’atteinte multisegmentaire ou de conflit postérieur.
Bénéfices attendus
- Soulagement de la douleur radiculaire et amélioration force/sensibilité lorsque la compression en est la cause principale.
- Stabilité segmentaire en cas d’instabilité ou de déformation localisée.
- Récupération fonctionnelle des activités quotidiennes en quelques semaines (selon les étages et l’état général).
Message clé : la DCAF ne « rajeunit » pas la colonne, mais peut restaurer la fonction et la qualité de vie quand l’indication est appropriée.
Risques et effets indésirables (à connaître)
- Généraux : infection, saignement, thrombose, complications anesthésiques.
- Spécifiques cervicaux : dysphagie et dysphonie transitoires, lésion radiculaire ou médullaire (rare), atteinte du nerf laryngé récurrent, fuite de LCR, malposition d’implant ou pseudarthrose.
- Dégénérescence des étages adjacents avec le temps (pas toujours symptomatique).
Réduire les risques : planification rigoureuse, technique précise, arrêt du tabac, contrôle du diabète et rééducation suivie.
Déroulement opératoire, étape par étape
- Incision antérolatérale du cou, dissection douce par plans.
- Ablation du disque et des ostéophytes ; décompression de la racine/moelle.
- Pose d’une cage/greffe et souvent d’une plaque antérieure.
- Contrôle radiologique per-opératoire.
Délais de récupération réalistes
- Hospitalisation : 1–2 jours dans de nombreux cas.
- Douleur et déglutition : s’améliorent en quelques jours–semaines ; alimentation molle si avaler gêne.
- Travail : bureau 2–4 semaines ; métiers physiques 6–12 semaines (selon étages/condition).
- Sport : cardio léger à 3–4 semaines ; renforcement guidé à 6–8 semaines si l’évolution le permet.
Les délais varient. Il est courant de ressentir une fatigue cervicale lors de la reprise d’activité les premières semaines.
DCAF vs prothèse cervicale (quand choisir l’une ou l’autre ?)
- DCAF : préférable en cas d’instabilité, de déformation, de plusieurs niveaux non éligibles à une prothèse ou d’arthropathie facettaire marquée.
- Prothèse : préserve la mobilité sur 1–2 niveaux sans instabilité ni atteinte facettaire.
Dans les deux cas, une bonne sélection et des attentes réalistes font la moitié du résultat.
Critères pratiques d’orientation
- Déficit neurologique (faiblesse progressive, troubles de la marche ou de la dextérité).
- Douleur radiculaire sévère limitant la vie quotidienne après un traitement conservateur bien mené.
- Compression significative à l’IRM avec corrélation clinique.
- Suspicion de myélopathie cervicale.
Quand aller aux urgences ?
- Perte de force soudaine ou progressive du bras/de la main.
- Aggravation brutale de la marche ou chutes.
- Incontinence ou rétention urinaires d’apparition récente.
- Fièvre élevée avec douleur cervicale intense ou rougeur de la plaie.
Idées reçues vs réalités
- Idée reçue : « Avec une fusion, je ne bougerai plus le cou. » Réalité : la mobilité du niveau opéré diminue ; la mobilité globale reste généralement suffisante pour la vie courante.
- Idée reçue : « La chirurgie supprime toute la douleur cervicale. » Réalité : elle traite la compression ; la douleur axiale peut avoir d’autres causes.
- Idée reçue : « La prothèse est toujours meilleure. » Réalité : cela dépend de l’anatomie, de la stabilité et des facettes.
Questions fréquentes
Combien de temps dure l’intervention ?
Environ 60–120 minutes par niveau, selon la complexité.
Vais-je vraiment perdre de la mobilité ?
On perd le mouvement au(x) niveau(x) fusionné(s), mais la mobilité globale du cou est habituellement compatible avec les activités quotidiennes.
Quand puis-je conduire ?
Généralement après 2–3 semaines, lorsque la douleur est contrôlée et que vous pouvez tourner la tête en sécurité ; suivez l’avis médical.
Un collier est-il nécessaire ?
Selon les cas et le nombre d’étages ; certaines équipes le prescrivent 2–4 semaines pour confort/protection.
La dysphagie est-elle fréquente ?
Souvent transitoire pendant la première–deuxième semaine. Consultez si elle s’aggrave ou s’accompagne de fièvre.
La fusion accélère-t-elle l’usure des autres niveaux ?
Elle peut augmenter le stress sur les niveaux adjacents à long terme, sans symptômes systématiques.
Quand reprendre la salle de sport ?
Cardio léger à 3–4 semaines ; renforcement progressif et encadré à partir de 6–8 semaines si l’évolution est favorable.
La DCAF peut-elle être combinée à des prothèses sur d’autres niveaux ?
Oui dans des cas sélectionnés (chirurgie hybride). Décision individualisée.
Glossaire
- DCAF/ACDF : discectomie cervicale antérieure avec fusion.
- Prothèse/ADR : remplacement discal préservant la mobilité.
- Cage : implant intersomatique pour fusionner les vertèbres.
- Pseudarthrose : absence de consolidation.
- Myélopathie : atteinte de la moelle cervicale.
Avertissement : Contenu éducatif ne remplaçant pas une consultation individuelle. En cas de signes d’alarme, rendez-vous aux urgences.